Quelques idées tirées des présentations de Melody Leplat et Olivier Dufor.
Rédigé par Cédric Buron.

Après la table ronde sur la gamification, le Chaudron a invité les enseignant⸳e⸳s de l’ISEN qui avaient déjà utilisé des jeux dans le cadre de leurs cours de venir en parler. Melody Leplat, enseignante-chercheuse en économie et Olivier Dufor, enseignant-chercheur en biologie nous ont fait le plaisir de répondre favorablement ! Les différentes approches présentées lors de la table ronde ont été illustrées parfaitement par les deux types de jeux très différents qui ont été présentés.

Mais alors, pour quoi faire ?

Tant Melody Leplat qu’Olivier Dufor ont souligné le fait que les jeux engageaient les étudiant⸳e⸳s.

Dans le cadre de l’économie, ce domaine est souvent perçu, en particulier par les étudiant⸳e⸳s de l’ISEN, comme un domaine aride. Il est souvent difficile de capter l’attention des étudiant⸳e⸳s sur le long terme, ce que permet de faire le jeu. Olivier Dufor, qui utilise les jeux pour les révisions, met aussi l’intérêt des étudiants pour l’aspect ludique en avant. Les étudiant⸳e⸳s –en tous cas une partie des étudiants– s’investit davantage dans les révisions que si on leur demande de le faire sans cet aspect ludique.

L’utilisation de jeux est donc avant tout vu comme un moyen de créer de la motivation/de l’engagement chez les élèves pour des activités qui ne paraissent pas attrayantes de premier abord. Il permet de le faire à travers un engagement y compris physique.

Mais ce n’est pas tout. Dans le cadre du cours d’économie de Melody Leplat, cela lui permet également de passer de la théorie à la pratique, et d’ancrer ces connaissances dans un cadre plus pratique et concret. Ce cours permet aussi de briser la glace et la relation verticale entre le⸳la prof et les étudiant⸳e⸳s.

Pour Olivier Dufor, cela permet aussi de participer à une révision collective avec moins d’appréhension que lors d’un quizz classique, où les étudiant⸳e⸳s n’osent pas toujours participer par peur de se tromper devant les autres. La dimension jeu permet de passer outre ces inquiétudes. Cela permet aussi d’évaluer d’autres éléments, qui ne sont pas évalués dans les méthodes de révision classiques, comme la confiance dans leurs connaissances.

OK, mais concrètement, à quoi ça ressemble ?

Melody Leplat s’appuie sur une branche de l’économie, l’économie expérimentale (en particulier les notions développées par Daniel Kahneman et Vernon L. Smith, lauréats du Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel de 2002).

Dans ce contexte, le but est de reproduire des expériences à travers des jeux qui ont été conçus par d’autres, et qu’elle reprend. L’économie est donc au centre du jeu lui-même, dans un mécanisme de métaphore intrinsèque. Les étudiantes et les étudiants reproduisent les comportements décrits dans la théorie. Concrètement, les étudiant⸳e⸳s se mettent en groupes, et se voient confier des ressources (des feuilles) et des outils leur permettant de les transformer (ici des instruments de géométrie et des ciseaux). Ces deux éléments leurs permettent de créer des formes géométriques plus ou moins complexes avec les feuilles et de les « vendre » sur un marché global, rôle que tient l’enseignant⸳e. Le prix de vente dépend de l’offre et de la complexité de la forme.

Dans ce cadre, les étudiant⸳e⸳s ne reçoivent pas la même quantité de ressource naturelle, ni les mêmes instruments. Le but est de reproduire les mécanismes du commerce international, où les pays en développement ont des ressources mais peu de moyen de les transformer, les pays développés ont des outils et des instruments mais peu de ressource, et les pays émergents se trouvent entre les deux. Les étudiants vont donc devoir trouver des accords pour pouvoir exploiter les ressources et les exploiter. Cela aboutit généralement à une situation où les pays développés finissent par exploiter les pays en développement, un équilibre émergeant parfois entre les pays développés et les pays en développement lorsque ces derniers parviennent à monnayer leurs ressources plus cher.

Olivier Dufor propose quant à lui un exercice de révision un peu particulier. Il propose aux étudiant⸳e⸳s un catalogue d’« œuvres » avec des documents et des faits (corrects ou non) mis aux enchères. Les étudiant⸳e⸳s le reçoivent avant le jour dit, ainsi qu’un budget total, et peuvent décider de faire des enchères sur chaque œuvre. Le⸳a enseignant⸳e joue le rôle du⸳de la commissaire-priseur. L’objectif des étudiant⸳e⸳s est de collectionner le plus de faits/documents corrects. Pour cela, elles et ils vont devoir s’engager sur des faits/documents vrais qui ne sont que peu demandés par les autres, et donc connaître leur cours.

Le jeu fonctionne ici sur une métaphore extrinsèque. Les œuvres qui sont présentées aux étudiant⸳e⸳s sont ici sur des éléments du cours de biologie, mais pourraient être sur n’importe quel sujet, ce qui en fait aussi un jeu assez versatile. Les étudiant⸳e⸳s vont dans certains cas réviser et essayer de récupérer des « biens » plus complexes, mais dans d’autres cas adopter des stratégies ne nécessitant pas cette révision, par exemple tenter de faire dépenser leurs camarades sur de faux biens en faisant monter les enchères.

Le mode d’enchère (enchère ascendante ou descendante) peut varier, le montant minimal enchéri également, en fin d’enchère. Il est aussi possible de faire intervenir un⸳e autre prof pour faire monter les enchères.

Il paraît qu’il faut préparer et débriefer

C’est effectivement un point majeur. La préparation est longue, souvent plus longue que la préparation d’un cours/d’une révision classique.

Dans le cadre du jeu proposé par Melody Leplat, il y a un travail de préparation du matériel, mais la conception du jeu en lui-même est déjà faite, puisqu’elle reprend un jeu déjà existant. Mais il est aussi nécessaire de briefer les étudiant⸳e⸳s. Il est nécessaire de prévoir un temps pour cela, notamment lorsque les explications ne sont pas données dans la langue natale des étudiant⸳e⸳s.

Il en va de même pour le débriefing, il est nécessaire pour faire prendre conscience aux étudiant⸳e⸳s de ce qui s’est passé, notamment régulièrement un certain mépris de la part des étudiant⸳e⸳s représentant les pays développés par rapport à celles et ceux représentant les pays en voie de développement. Cela permet, comme l’avaient souligné les intervenant⸳e⸳s de la table ronde, que le jeu soit plus qu’un simple jeu, et que les étudiant⸳e⸳s en assimilent le contenu.

Dans le cas des enchères, le travail préparatoire est nécessaire pour réaliser le catalogue qui est proposé aux étudiant⸳e⸳s. Ce dernier est à diffuser quelques semaines avant. Selon le niveau de détail, on va laisser aux étudiant⸳e⸳s plus ou moins de temps pour préparer ce qu’elles et ils veulent acheter. Les étudiant⸳e⸳s vont préparer un catalogue annoté, selon les biens qu’elles et ils souhaitent acquérir. Il est également nécessaire de décider du prix de mise en vente.

Un dernier mot ?

Melody Leplat a donné d’autres idées de jeux : par exemple dans le cadre de la Nuit Européenne des chercheurs, un pot de bonbons était proposé, et des bonbons sont régulièrement ajoutés en pourcentage de ce qui reste. Cela permet d’appréhender l’économie de l’environnement, qui se régénère plus ou moins en fonction de son état.

Il existe aussi le site d’Ariel Rubinstein (chercheur en économie), qui peut être proposé en amont du cours. Il est aussi possible d’instaurer des outils de gamification comme Socrative. Des supports ludiques peuvent aussi permettre de faire de la classe inversée.

Suite à une question, une question a émergé concernant les enchères : il faut en effet être prudent que les faux faits/documents n’instaurent pas de fausses conceptions dans l’esprit des étudiant⸳e⸳s, notamment dans les jeux d’influence. Néanmoins, les effets n’ont pas été mesurés, et ce qui est dit par l’enseignant⸳e semble avoir plus d’influence et d’ancrage chez les étudiant⸳e⸳s que ce que leurs disent leurs camarades. C’est en cela que le débriefing est également important.


Retrouvez notre série d’articles suite à la journée Chaudron de juillet 2022 :

  • Un compte-rendu de la table-ronde sur l’utilisation du jeu pour l’enseignement, en présence de Dolly Ramella, Mathieu Guinebert et Antoine Chollet
  • Quelques retours d’expériences concernant l’utilisation de jeux dans des enseignements dispensés à l’ISEN, par Melody Leplat et Olivier Dufor [cet article]
  • Des ressentis au sujet de la question des postures, tant celles prises côté prof que côté étudiant

Crédits images : Tim Geers (Flickr), Carlos Machado, Tim Gouw (Pexels.com)


Une réponse à « Retours d’expériences sur la gamification à l’ISEN »

  1. Avatar de Gamification : jouer pour apprendre ? – Le Chaudron

    […] retours d’expériences concernant l’utilisation de jeux dans des enseignements dispensés à l’ISEN, par […]

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